L'alambic

Le poids du non dit ! Pour qui est étranger au pays, il est insupportable. Pour ceux qui sont de quelque part, il est comme une marque de reconnaissance. Sans ces secrets de village, c'est une large part de l'identité locale qui perd son sens. Il n'y a pas de vie sans moisissure, sans décomposition. Il n'y a pas d'histoire locale sans zones d'ombre… Elles font partie du patrimoine commun et, à ce titre, n'ont pas vocation à être partagées par d'autres. Le linge sale, ça se lave en famille !
Mais qui est “ l'autre ” ? Où est la limite en deçà de laquelle on a le droit de savoir, au-delà de laquelle on n'est qu'un gêneur, un empêcheur de haïr en paix ? L'appréciation qu'a Pierre de cette subtile démarcation n'est évidemment pas celle des gens du pays. Qu'ils aient usé leurs fonds de culotte ensemble sur les mêmes bancs d'école n'y change rien. Pierre n'était qu'un enfant de l'assistance, une pièce rapportée qui a, de surcroît, l'idée malencontreuse de ne venir réclamer sa part de vérité qu'au jour de sa retraite… Ce qui ne fait pas perdre son sourire à monsieur Armand, mais qu'y a-t-il derrière le sourire de monsieur Armand ?