La passion, Ginette

On connaissait le roman épistolaire. Les liaisons dangereuses d'aujourd'hui se dévident au fil de dialogues téléphoniques. Quand Véro, peintre, n'est pas là pour décrocher et écouter les aventures et mésaventures de ses amies, son répondeur en entend de jolies... Sur quoi, sur qui ? Quel est l'unique sujet de conversation de Peggy, réalisatrice new-yorkaise, de Barbara, modéliste polonaise, de Lorenza, romancière florentine, ces jeunes femmes qui existent, qui créent, qui réussissent, qui séduisent ? Ces belles rebelles qui ont tout pour plaire, tout pour faire tourner toutes les têtes et la terre entière ? Les hommes. Le téléphone leur sert de confessionnal au bord du lit, de divan dans la cuisine, de fenêtre où elles évacuent leur trop-plein d'interrogations et d'angoisses, d'exaltation et de vertige. Au fil des confidences à l'ironique Véro, leur conscience, leur mentor, leur exemple aussi, on les découvre torturées, subjuguées ou dévorées par d'odieux et attachants personnages, d'autant plus oppressants qu'ils ne font pas le poids, leurs hommes du moment. Des rescapés du féminisme qui, de leur ancien pouvoir, ont gardé au moins celui de leur mettre la raison et les sens sens dessus dessous. C'est la passion, Ginette...
Sous le langage vif de ces dames du temps présent, qui n'ont peur ni des mots ni des choses, Mariella Righini nous dévoile un très moderne avatar du féminin, la dépendance amoureuse. La princesse de Clèves n'en croirait pas ses oreilles. Les paroles ont beau changer, c'est bien la même chanson, sifflée avec un humour percutant, une férocité joyeuse par la plus corrosive et la plus tendre des complices.