Les fous de Dieu

Depuis la Révocation de l'Edit de Nantes, la nuit, derrière les volets clos des mas cévenols, les enfants apprennent à lire la Bible tirée de sa cachette. 1702 : ces garçons, ces filles, qui n'ont connu ni temples, ni pasteurs, se sont fait leur religion, remontant la Bible à rebours, de jésus à Daniel, de la Douce Colombe chère à leurs pères à l'Epée Flamboyante qu'ils brandiront en criant qu'ils sont a Fous de Dieu »...
Deux ans durant, ces bergers battront les meilleures troupes du Roi Soleil. Un maréchal de France, le glorieux Villars qui a maté le Palatinat, devra traiter avec un garçon boulanger...
Voici le clair amour de Samuel et de Finette : ardeur, pureté, ferveur mystique, mélange de lyrisme et de naïveté paysanne, sui la toile de fond furieuse et ensanglantée, parmi les innocentes atrocités d'un petit peuple assassiné devenu assassin. Mieux qu'un roman d'histoire adroitement tiré de la poussière des bibliothèques, c'est la passion camisarde vécue par les témoins eux-mêmes, des paysages époustouflants de fraîcheur et de vérité, une oeuvre de pitié pour les pauvres fous que nous sommes jusque dans le meilleur de nousmêmes : le dépassement de l'humain.
Par la perfection de sa forme - le style 1700 nourri de parler cévenol et de Bible huguenote - par le sérieux de sa documentation, par l'inexorable logique de son déroulement, la tendresse et la férocité de ses personnages, la chaleur et le mouvement dont elle brûle, tous les problèmes qu'elle pose sur la violence et la non-violence, l'oeuvre passe par-dessus l'Aigoual et le mont Lozère, par-dessus Basville et Montrevel : elle est de partout et de toujours...
Seul, un Cévenol de vieille souche, un résistant, pouvait planter ce châtaignier robuste sur sa « rancarède ».